Editorial:
regards sur le mois de février 2009
La crise financière et économique s'aggrave,
certains prévoient un effondrement général
du monde dit développé, mais il ne semble
pas que les gouvernements ni les « experts »
qui sont censés les conseiller soient décidés
à proposer le changement global de politique
qui s'imposerait pour écarter les menaces. En
pratique, prétextant de la globalité des
problèmes, chaque niveau de responsabilité,
national, européen et mondial rejette sur les
autres les prises de décisions nécessaires.
Février a fait apparaître de grands problèmes
qui pourraient relever de mesures immédiates,
mais celles-ci sont encore rejetées à
plus tard.
Si
l'on en croit certaines analyses, le temps presse pourtant,
bien plus que l'on imagine. Le milieu de l'année
2009 pourrait donner le signal d'un collapse général
frappant tous les pays développés.. Nous
y faisons allusion sur ce site. Même si l'effondrement
possible de nos civilisations ne se produit pas à
cette date, les urgences s'accélèrent.
Il est donc particulièrement scandaleux de voir,
pour ce qui concerne l'Europe et la France elle-même,
que les gouvernements ne prennent pas immédiatement
les mesures palliatives globales qui sont à leur
portée. Si ces mesures, par leur complexité,
demandent des études préalables conjointes,
encore faudrait-il les envisager, c'est-à-dire
mentionner le besoin et proposer des pistes novatrices.
Le mois de février a donné plusieurs exemples
de ce qu'il faudrait entreprendre et que l'on reporte
à plus tard.
Les
révoltes populaires aux Antilles françaises.
Nous
avons montré dans un article très lu (google
dixit) que ces révoltes, loin d'être terminées,
sont le prototype de ce qui se passera bientôt
dans toute l'Europe au niveau des banlieues urbaines
et de certaines régions défavorisées.
Il est illusoire de penser que des populations supporteront
longtemps dans le calme une marginalisation à
base ethnique et culturelle. Cette marginalisation se
traduit par le fait que les activités réellement
productives leur sont interdites en pratique. Les jeunes
citoyens, même diplômés, demeurent
chômeurs. Ne leur reste plus que les activités
illicites sinon criminelles. Or dès maintenant,
des chantiers pourraient être ouverts, sur financement
et avec la protection économique des gouvernements,
pour réinsérer ces zones dans la production
des valeurs économiques et sociales nécessaires
non seulement à leur réinsertion mais
à la société toute entière
: agricultures locales, technologies vertes, habitat
repensé, etc.
Aux
Antilles, les représentants du gouvernement français,
particulièrement absents, n'ont rien dit de tel.
Si de nouvelles crises éclatent dans nos banlieues
le discours ne changera pas. On enverra des forces de
gendarmerie. Veut-on la guerre civile, afin de renforcer
l'ordre répressif ?
La
révolution de l'agriculture biologique
Dans
le même esprit, mais en étendant l'approche,
tous les experts de la lutte contre la destruction de
la planète et l'explosion des inégalités
savent que passer des agricultures productivistes à
des agricultures biologiques résoudrait de nombreux
problèmes, environnementaux et sociaux. La chose
est vraie aussi bien en France, pays d'agriculture moderne,
que dans le tiers monde. L'agriculture productiviste
emploie 2 à 3% de la population française
active. Une agriculture biologique pourrait en employer
à terme au moins 10 à 15%. Ses coûts
seraient largement compensés par la diminution
des dépenses en carburants et intrants chimiques,
avec des bénéfices induits non comptabilisés
actuellement portant sur l'environnement et les modes
de vie dits ruraux.
Le
salon de l'agriculture qui vient de se terminer n'a
malheureusement pas vu les responsables politiques français
y tenir ce discours. On aurait très bien pu imaginer
cependant un Nicolas Sarkozy annoncer que la France
proposerait à l'Union européenne des politiques
expérimentales en faveur de reconversions à
grande échelle vers l'agriculture biologique.
Ceci aurait un plus grand écho, et plus porteur,
que le « casse-toi... » de l'année
dernière.
La
révolution industrielle dans l'automobile
Tous
les pays dotés d'une industrie automobile veulent
actuellement la préserver, ce qui se justifie.
Mais il n'est pas possible de le faire à l'identique.
En Europe, il n'est pas possible non plus de le faire
seul. Une véritable révolution industrielle
s'impose dans ce secteur, doublée de changements
profonds dans les habitudes de consommation. Là
encore, le dernier Salon de l'automobile, à Paris,
aurait été l'occasion d'esquisser des
solutions communes entre européens: par exemple
l'annonce d'une Agence européenne de l'automobile
verte, dotée de moyens suffisants pour intéresser
non seulement les industriels du secteur, mais d'autres
potentiellement intéressés. Nous ne formulons
cette proposition ici que pour fixer les idées,
mais d'autres solutions collectives seraient certainement
possibles, plutôt que fâcher les Tchèques
à propos des délocalisations dont ils
ont bénéficié, en toute légalité
vis-à-vis du droit européen.
La
réforme du capitalisme bancaire et financier
Que
ce soit pour réformer ou supprimer le capitalisme
financier mondial, des mesures précises font
dorénavant l'accord – verbal – des
experts et des gouvernements. Sur invitation d'Angela
Merkel, les pays européens du G20 (France, Grande-
Bretagne, Allemagne Italie) accompagnés de l'Espagne
et des Pays-Bas se sont réunis, dans la formule
dite du G4, le 22 février à Berlin pour
dépasser leurs divergences et poser les bases
d'une nouvelle régulation financière mondiale.
A l'issue du sommet, les différents acteurs sont
parvenus à s'accorder sur une position commune
malgré les réticences initiales de Gordon
Brown, soutenant le rôle mineur des "hedge
funds", fonds spéculatifs à risque.
Cette position devrait être défendue lors
du G20 en avril.
Mais
qui dit position commune ne dit pas action commune.
Si les pays européens estiment par exemple que
des autorités de régulation s'imposent,
ils se gardent bien de faire ce qu'ils pourraient faire
en ce sens sans même attendre le G20 : mettre
en place une régulation commune. Laisser la régulation
à la responsabilité de chacun des 27 Etats
n'a aucun sens. La position de l'Europe serait autrement
forte au G20 si, à propos de la surveillance
des spéculations boursières et bancaires,
du refus des paradis fiscaux, du plafonnement des rémunérations
des dirigeants et traders, du renforcement du FMI, ils
décidaient dès maintenant de mesures communes.
C'est ce que fait d'ailleurs en ce moment aux Etats-Unis
leur modèle tant vanté, Barack Obama.
A
supposer qu'un tel accord entre les 27 ne soit pas immédiatement
réalisable, là encore, un Nicolas Sarkozy
qui se veut activiste de la construction européenne
aurait très bien pu le demander à grands
cris, et décider de mesures initiales en ce sens
s'appliquant en France. Les autres auraient réagi
positivement. On ne l'a pas entendu. On ne perçoit
au contraire en France à ce sujet que la polémique
bien inutile à propos d'une nomination de dirigeant
bancaire.
La
faillite en préparation des Etats de l'Europe
centrale et orientale
Parallèlement
aux questions qui seront évoquées au G20
se pose une question tout aussi grave pour l'avenir
de l'Europe et de la zone euro, l'aide qu'il conviendrait
que les Etats dits riches de l'Eurogroup apportent aux
Etats, membres ou pas de cette zone, qui se noieront
dans les mois suivants si rien n'est fait. Nous y avons
consacré un premier article, qui sera certainement
suivi de beaucoup d'autres. Mais il ne suffira pas d'aider,
il faudra demander des contreparties afin de moraliser
et régulariser la concurrence, pour ne pas dire
le dumping, que ces « petits » Etats imposent
aux grands. Ce seraient les accords de Maëstricht
et peut être aussi certaines clauses du futur
traité européen qu'il faudrait renégocier.
La tâche serait importante et riche de contestation.
Mais qu'attendent les Sarkozy et Merkel pour commencer
à en parler ? Que des dictatures militaires se
soient réinstallées dans les Etats ex-communistes
?
L'augmentation
des investissements européens dans la formation
et la recherche
Tout
le monde admet dorénavant que l'Europe, pour
survivre, devra re-développer son industrie.
Mais pour ce faire, comme plus reprendre la tête
des nations scientifiquement avancées, elle a
besoin de re-développer également ses
laboratoires et ses facultés. Des objectifs généraux,
quantitatifs et qualitatifs, doivent être non
pas proposés mais imposés à chaque
pays par les institutions européennes. Aucun
chef d'Etat, malheureusement, ne se hasarde à
en traiter. L'appauvrissement de la recherche, publique
et privée, s'accélère donc alors
que les économies asiatiques mettent les bouchées
doubles (sans parler des Etats-Unis ou Barack Obama
compte sur ce levier pour rendre sa grandeur à
l'Amérique).
En
France, dans le même temps, le gouvernement, par
un aveuglement touchant à l'ineptie, continue
à ferrailler contre l'Université et l'école
soit disant pour « économiser » quelques
milliers de postes, sans doute en réalité,
comme le soupçonnent les universitaires et scientifiques,
pour affaiblir des contre-pouvoirs de fait jugés
dangereux.
L'aveuglement
et l'entêtement
Devant
de telles carences au niveau des pouvoirs, on peut légitimement
s'interroger sur la compétence des gouvernements
européens. Les dirigeants manquent-ils de la
culture systémique qui leur donnerait la force
de s'engager dans les changements profonds qui s'imposent
? Dans ce cas, ils ne verraient pas clairement ce qu'ils
pourraient faire pour abandonner les politiques qu'ils
avaient décidé d'appliquer avant la crise
et s'engager dans des voies radicalement nouvelles.
Mais l'incompétence ne saurait pas tenir lieu
d'excuse.
S'agit-il
au contraire de faiblesse et de populisme ? Les voies
de sortie de crise, à supposer qu'ils pressentent
ce qu'elles pourraient être, leur paraissent-elles
devoir susciter des oppositions si nombreuses qu'ils
préfèrent s'en remettre à ce que
l'histoire décidera...c'est-à-dire en
fait à la politique du pire ?
Dans
certains cas, par rigidité psychologique, par
un sens exacerbé d'avoir toujours raison, ils
refuseraient de se déjuger. C'est bien le cas
de Nicolas Sarkozy qui se cramponne toujours au trop
célèbre paquet fiscal et à sa politique
de prétendues réformes alors que les évènements
récents imposeraient des changements de cap radicaux.
Mais en cherchant bien, il serait possible de faire
les mêmes reproches à des dirigeants supposés
plus pondérés, tel Gordon Brown et Angela
Merkel. Les mois prochains diront si les uns et les
autres ont vraiment l'étoffe des chefs d'Etat
dont les citoyens européens – mieux avertis
que ne le pensent les agences publicitaires poussant
sans désemparer à une consommation sans
frein – auraient cruellement besoin 28/02/2009.
Sélection
d'articles publiés sur le site Europe solidaire
en février
Non
à l'Otan. Non aux Etats-Unis. Non à la
tutelle d'une puissance de plus en plus dangereuse.
Il paraîtra dérisoire de lancer cette protestation
au moment où Nicolas Sarkozy se prépare
à officialiser le retour de la France dans l'organisation.
Nous le faisons néanmoins pour prendre date.
En notre nom, mais aussi en celui de nombreux correspondants
qui, issus ou pas de la majorité, nous disent
ne pas oser s'opposer ouvertement à la décision,
du fait de la réserve s'attachant à leur
statut. (...)
Changement
de route à l'Asean
Les dirigeants des pays membres de l'Association des
Etats de l'Asie du Sud-Est (Asean) comprenant aussi
l'Australie et la Nouvelle Zélande, se sont réunis
du 27 février au 1er mars en Thaïlande pour
un 14e sommet. Les objectifs de cette conférence
étaient loin d'être routiniers. Il s'agissait
d'examiner la faisabilité d'un changement de
route complet des politiques économiques des
géants de la région. (...)
L'Union
européenne doit protéger tous ses membres.
Mais ceci impliquera les mêmes devoirs pour tous
Le dernier G4 européen (Berlin 22 février),
préparatoire au G20 d'avril, a vu son agenda
bousculé par l'aggravation de la crise financière
touchant les économies d'Europe centrale et orientale
(ex PECO). Les Pays « riches » de l'Union
sont pressés, y compris par le FMI, d'intervenir
au secours de leurs collègues. Pourquoi pas,
si l'unité future de l'Europe est à ce
prix ? Mais il faudrait traiter cette question majeure
avec la hauteur de vue qui s'impose. L'Europe ne peut
plus tolérer en son sein des irresponsables qui
jouent sur tous les tableaux. (...)
2009,
année de dislocation
Le LEAP/2020 se présente comme un groupe d'experts
européens indépendants qui étudient
les crises internationales et leurs évolutions.
Ils éditent une lettre d'information trimestrielle
sur abonnement censée informer les grands décideurs.
Leurs diagnostics ont toujours été très
sombres - voire disent certains dangereusement alarmistes.
Il reste que la crise économique et financière
qu'ils avaient prévue dès 2006 s'est bien
réalisée. Aujourd'hui, le dernier bulletin
publié par eux annonce que si les grandes puissances
ne maîtrisent pas la crise lors du prochain G20,
des guerres civiles se déclencheront très
rapidement, aux Etats-Unis, au Japon et en Europe.
(...)
Consensus
sino-américain, mais pour quoi faire et pour
combien de temps?
La visite d'Hillary Clinton, en Chine, les 21 et 22
février, symbolise l'évolution actuelle
de la politique extérieure des Etats-Unis. Le
thème sous-jacent de ce déplacement fut
la crise économique et la principale demande
américaine concerne la poursuite du soutien financier
de la Chine par l'achat de bons du trésor. Mais
ne s'agit-il pas d'une politique à courte vue?
(...)
Réunion
du Programme des Nations Unies pour l'Environnement
à Nairobi le 16 mars
A l'exemple de la Chine, qu'attendent des gouvernements
nationaux européens encore englués dans
des intérêts industriels archaïques
pour s'entendre enfin sur un plan coordonné de
relance verte de 500 milliards d'euros, susceptible
de créer de créer non seulement des emplois
durables mais aussi des biens matériels et immatériels
eux-mêmes durables ? (...)
Guadeloupe,
Martinique? miroirs pour l'Europe
On dira qu'il n'y a pas de rapport entre la crise qui
s'éternise aux Antilles françaises et
la situation de crise latente qui menace l'ensemble
des sociétés européennes. Nous
pensons au contraire que, au delà de différences
indiscutables, ces deux crises sont des crises de société,
exprimant des réalités profondes communes.
Elles sont volontairement niées par les «
élites » au pouvoir. Elles exigeraient
des réformes radicales, si l'on voulait éviter
les explosions. (...)
La
responsabilité de la grande distribution (GD)
dans la perte de la puissance économique européenne.
On considère généralement les enseignes
de la grande distribution et du commerce en Europe (Tesco,
Carrefour, Leclerc, H&M, M&S, IKEA,...) comme
contribuant à la puissance économique
du continent, dont bénéficieraient tous
les citoyens européens. C'est ainsi que l'on
cite les performances nationales et internationales
de ces entreprises. Mais il faudrait y regarder à
deux fois. Elles sont en train de devenir des facteurs
essentiels de perte de puissance. (...)
Conférence
sur la sécurité de Munich le 7 février.
Les mots et les réalités
La conférence internationale tenue à Munich
le 7 février a vu s'affronter, sous des mots
se voulant neufs, des réalités géostratégiques
qui ne marquent pas de grands changements. La position
de la France en sort plus confuse que jamais. Quant
à la défense européenne, elle n'a
marqué aucun progrès de fond. (...)
Esquisse
d'une Evaluation des risques menaçant l'Europe
dans la décennie
L'état d'esprit des pays européens relativement
à leur sécurité et aux moyens à
y consacrer changera - nous serions tentés de
dire presque nécessairement - quand sous la pression
des développements de la crise systémique
affectant le monde tout entier, ils seront conduits
à mieux évaluer les risques pesant sur
eux. Cet article propose certains arguments justifiant
une défense européenne en propre (sans
liens avec l'Otan). (...)
Relance
par l'investissement ou par la consommation ?
La relance en Europe doit-elle porter sur l'investissement
ou sur la consommation ? Il est aberrant de constater
que dans ce débat, les pires niaiseries continuent
à circuler dans les médias, encouragées
il est vrai par l'indécision et l'irresponsabilité
des gouvernants. (...)
L'honneur
perdu de l'Amérique
L'éditorialiste américain William Pfaff,
dont personne ne discute le talent et l'honnêteté,
était au Forum économique de Davos. Il
y a constaté la chute brutale de l'image de l'Amérique.
(...)
Après
le Forum social de Belem
Le Forum social de Belem s'est tenu simultanément
avec le Forum économique de Davos. Il a rassemblé
plus de 100.000 participants, dans un foisonnement de
commissions et de propositions qui font la vigueur de
l'altermondialisme mais qui rendent aussi ses messages
difficilement lisibles pour ceux qui n'essayent pas
d'en valoriser l'esprit général. Il se
trouve cependant que c'est à Belem et non à
Davos qu'ont été faites les propositions
les mieux à même de combattre la crise
systémique actuelle. (...)
Enseignement
de la grève du 29 janvier. Refonder la société
globale.
La tradition française
La grève générale réussie
du 29 janvier, qui a mobilisé un nombre inusité
de manifestants, devrait mettre en évidence aux
yeux des Français d'abord, mais peut-être
aussi des Européens, un certain nombre de réalités
qu'il n'est plus désormais possible d'éviter
par des mesures partielles ou de prétendues «
réformes ». Elles imposent un retour au
concept de service public et son extension à
l'ensemble des économies mondiales. (...)
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