Technologies
et politique
Qu'aurait
pu dire François Hollande aux Français le 28
mars ?
Jean-Paul Baquiast - 29/03/2013

La question
posée ici s'adresse en priorité à la
gauche, gauche française voire gauche européenne.
Selon les chroniqueurs de gauche, l'intervention de François
Hollande à la télévision le 28 mars "n'a pas
renversé la table". Mais qu'aurait-il pu annoncer
concrètement, sauf relancer comme certains le demandent,
ces véritables pièges que sont la Procréation
médicale assistée pour les couples homosexuels
ou le droit de vote local pour les étrangers, à
juste titre reportés aux calendes grecques ?
Renverser
la table serait pourtant possible, mais cela signifierait
commencer à "sortir effectivement du Système".
Que signifierait "sortir du Système" ? Ce
serait par exemple lutter contre l'évasion fiscale,
même si celle-ci se donne les apparences de la légalité.
Selon une étude
de Yann Galut, député socialiste du Cher
l'évasion fiscale coûte à la France aujourd'hui
entre 40 et 80 milliards d'euros par an. Les avoirs de Français
dans les paradis fiscaux s'élèvent par ailleurs
à un minimum de 200 milliards d'euros. Si on les taxait
à hauteur de 30 %, on récupérerait 60
milliards d'euros, soit les deux tiers du déficit budgétaire
de l'Etat en 2012. Ces sommes ne bénéficient
évidemment pas pour le moment aux investissements productifs
créateurs d'emplois dont nous aurions besoin.
Le phénomène est mondial, dira-t-on. En Europe,
l'évasion fiscale est estimée à 200 milliards
d'euros par an. Pour lutter contre elle, il faudrait obtenir
des banques suisses ou britanniques de la City une levée
partielle du secret bancaire. Les Etats-Unis sont en train
de le faire pour leur compte. Les Etats de l'Eurogroupe devraient
mener le même combat, la France au sein de l'Eurogroupe
devrait prendre la tête du mouvement, et François
Hollande aurait du l'annoncer hier. Le combat serait long
et difficile, il faudrait renforcer considérablement
les services de contrôle des comptabilités, les
patrons évadeurs crieraient au meurtre et menacerait
de s'expatrier, mais une vraie relance de croissance deviendrait
possible.
En effet,
quelques dizaines de milliards pourraient être récupérés.
Avec l'équivalent, François Hollande aurait
pu annoncer des politiques publiques d'investissements dans
les secteurs innovants, secteurs innovants dont il a parlé
hier sans que l'Etat ne fasse rien de concret pour les mettre
en route. Les outils sont là, a-t-il dit. Mais pour
le moment les outils sont à terre et nul ne se précipite
pour les ramasser. Il a cité la banque publique d'investissement.
Mais celle-ci ne pourra intervenir que si des entreprises
investissent. Or les entreprises n'investiront nous
sommes en France que si l'Etat lance de vrais "grands
programmes" avec des crédits publics à
la clef, pour donner le mouvement: énergies vertes,
biotechnologies, robotique avancée, spatial, etc.
Si jamais
François Hollande reprenait prochainement la parole,
pour tenter une nouvelle fois de réveiller les Français
découragés, ce ne devrait être pas pour
dérouler de nouvelles généralités
mais pour annoncer une liste concrète de tels investissements,
avec les crédits pour les financer et les négociations
adéquates avec nos voisins européens pour les
faire partager.
NB.
On pouvait craindre le pire en matière d'investissements
militaires: que François Hollande, emporté par
facilité, ne propose de les quasi-supprimer. Cela aurait
été suicidaire, mettre en panne la seule locomotive
technologique qui nous tire encore un peu. Heureusement, il
ne l'a pas fait.