Pourquoi ce site et cette Revue
(éditorial
du 12 décembre 2000)
La
fin du 20e siècle et le début du
21e annoncent, pensons-nous, d'immenses changements
dans la façon dont l'espèce humaine pourra agir
sur le monde, y compris sur elle-même, et consécutivement
sur la conscience qu'elle aura, et de ce monde, et d'elle-même.
Un enfant âgé d'une dizaine d'années aujourd'hui
pourra, à la fin de sa vie, jeter sur les conceptions
que nous avons encore aujourd'hui de l'univers et des hommes
le même regard curieux mais globalement incompréhensif
que le regard que nous portons sur le monde féodal
ou antique. Si rien n'est fait, ces changements prodigieux
ne seront compréhensibles et, le cas échéant
maîtrisables, que par une très petite minorité
d'hommes, issus des couches socialement et intellectuellement
favorisées du monde occidental, et plus particulièrement
des Etats-Unis.
De plus, tout se fera et se communiquera en anglais. L'Europe
pourra dans certains cas mais non dans tous, essayer de tenir
la distance. Tous les autres hommes, comme l'ensemble des
organismes vivants, seront affectés par ces changements,
mais ils les subiront passivement, pour le meilleur dans certains
cas, en ce qui les concernera, mais sans doute le
plus souvent pour le pire.
Si des politiques de ré-équilibrage et de meilleur
partage de l'accès aux connaissances et aux pouvoirs
seront possibles, encore faudra-t-il que s'établissent
en ce sens des rapports de force plus favorables, dont
l'on ne voit pas les prémisses aujourd'hui, malgré
les déclarations d'intention des politiques.
Cette mise en garde préalable ne doit pas conduire
à porter un jugement négatif ou catastrophiste
sur les changements en perspective qui, de toutes façons
d'ailleurs, auront lieu inexorablement, autant que l'on puisse
en juger du fait des avantages sélectifs qu'ils
apporteront à ceux qui s'en saisiront. Ces changements
doivent au contraire être considérés
par tous, et notamment par les jeunes, comme une ouverture
à des perspectives incroyablement excitantes
et productives.
Il s'agit véritablement de nouvelles frontières
à franchir, ouvrant d'infinis territoires nouveaux
à explorer. On pourrait bien sûr évoquer
l'exploration spatiale, les progrès de la physique
des hautes énergies ou de la cosmologie, ou encore
la conquête de nouvelles formes d'énergies renouvelables
et non polluantes... Mais selon nous, ces divers progrès,
incontournables pour le long terme du siècle, n'apparaîtront
qu'en "sous-produit" d'avancées beaucoup plus fondamentales
et plus immédiates concernant la vie et l'intelligence
artificielle, le génie génétique et le
décryptage du fonctionnement du cerveau.
Ceci, pensons-nous, ne pourra être obtenu sans
un décloisonnement des spécialisations : ces
trois domaines de recherche ne prendront tout leur poids que
si les chercheurs apprennent à mieux coopérer,
par exemple sur le modèle proposé par Gérald
Edelman* en ce qui concerne la conscience.
Ainsi, avec la création du site Automates intelligents,
nous souhaitons contribuer à :
- vulgariser au maximum auprès du citoyen les
travaux et réflexions des sciences et techniques concernées,
- replacer sur le plan politique et philosophique les
travaux et perspectives présentés,
- créer un site en français, utilisant les
ressources de l'Internet, aussi bien pour l'accès
aux sources que pour la publication des documents ou informations
produits. A plus long terme, si les moyens nous le
permettent, publier également en anglais -voire dans
3 ou 4 langues simultanément- afin de créer
un site à dimension européenne,
- rassembler la communauté la plus large
possible autour du domaine des automates intelligents, en travaillant en
interactivité avec les lecteurs : nous attendons
beaucoup de la contribution des scientifiques et des
philosophes à la vie de ce site.
Jean-Paul
Baquiast et Christophe Jacquemin